11/26/2020

Ça va?

En temps "normal", on pose la question assez souvent, surtout de façon banale.

En fait, on demande : "Ça va bien?". Une question déjà orientée et qui encourage l'interlocuteur à dire un "oui" bien ordinaire, sans vraiment trop y réfléchir.

Mais là, à cause de cette saleté de pandémie, on dirait que le "ça va?" prend une autre tournure. Il est plus profond et sincère. On est plus à l'affût de l'état physique et mental de nos proches et des gens dans nos réseaux.

Bon, puisque vous êtes peut-être curieux d'avoir une réponse sincère de ma part, justement, je vais vous le dire... 

Je vais bien. Je suis fatigué, mais je vais bien. En fait, c'est que ça dépend des jours.

Bien. Présentement, il faut parfois, encore, que je me répète ce que la psychiatre du TIBD (Traitement intensif bref à domicile) m'a dit cet été : ça va prendre du temps à revenir à la normale.

De toute façon, la normale, on dirait que ces temps-ci, je sais plus trop c'est quoi. Tant pour mon état personnel que l'état de la pandémie.

Oui, j'apprivoise mon trouble bipolaire, je le comprends mieux, mon humeur ne joue pas au yoyo, donc tout ça c'est positif. Le moins plaisant, c'est que je ressens encore un bon manque d'énergie. Plus amorphe, je fais des siestes quelques fois par semaine et j'ai plus de difficulté à me concentrer.

Récemment, on a procédé à un changement dans mes médicaments. Un changement qui, je l'espère, me permettra d'avoir des journées complètes, plus dynamiques, sans trop avoir le goût de fermer les paupières et de m'assoupir.

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"T'es en feu!", m'avait dit Damien en janvier. Retraité occupé, Damien travaille sur le projet des valoristes et des contenants consignés avec moi.

Et je l'étais, en feu, en effet. De janvier à juin, tranquillement, j'étais de plus en plus exalté...

Exalté, le mot est important. Ça veut dire actif, intense. Je dormais peu, mais j'avais quand même beaucoup d'énergie pour écrire un paquet de messages à un paquet de monde, noter des idées, aller courir, parler avec de potentiels partenaires, réseauter pas mal et me faire entendre pour parler du projet. 

C'était un véritable feu roulant, j'avais le pied au fond de l'accélérateur, mais j'aimais ce qui se passait et je voulais que ça continue.

Oui, c'était accaparant, drainant, mais tellement stimulant.

J'étais donc de plus en plus intense... et je ne voyais pas le mur s'en venir. En fait, je me disais bien que j'allais craquer ou m'enfarger un moment donné. Je savais qu'il fallait que je me calme, mais mon cerveau lui ne s'arrêtait vraiment pas. 

Le truc des valoristes était rendu une obsession. Je voyais des canettes partout. Je voulais carrément casser la baraque avec le projet, que tout le monde en entende parler à Québec (et même au-delà) et qu'il trouve ça si beau et si trippant. Comme moi je le trouvais si beau et si trippant...

Fin juin, je tenais bon, mais je négligeais mon alimentation et mon hygiène de vie. Depuis quelques semaines déjà, je travaillais sur le projet à même mon nouvel appart plutôt que dans l'espace de coworking qu'un partenaire offrait. En juillet, mon frère est venu me rendre visite, seul. Tout semblait beau.

Sur mon guide de cotation de l'humeur, il a 9 niveaux qui vont de + 4 à - 4, le plus élevé étant une sensation intense de bien-être... et croyances inhabituelles.

Ça s'est mis à aller mal, sans trop que je m'en rende compte. Je me suis mis à imaginer des choses, un gros complot contre l'entrepreneur que je devenais et contre le projet des valoristes. Je doutais beaucoup des gens.

C'était insensé, mais j'y croyais. Je ne dormais presque plus... je vous épargne les détails, mais il fallait que ça s'arrête.

Mon séjour à l'hôpital a été salvateur. On a pris soin de moi, j'ai dormi profondément pendant une bonne nuit. Et je suis sorti le lendemain, accompagné de ma mère, qui est restée à mes côtés pendant plusieurs jours.

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Et vous, ça va?